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You had your best-laid plans and then COVID-19 came along and hammered the entire economy. But you’ve got this – if you have the right information. Join Rob Carrick and Roma Luciw on Stress Test, a podcast guiding you through one of the biggest challenges your finances will ever face.

ROB: Vous aviez pensé à tout, vous aviez tout prévu. Et la COVID-19 est arrivée et a frappé de plein fouet l’économie dans son ensemble. Ça va. Ça va être dur, mais vous maîtrisez la situation. Et vous n’êtes pas seul, nous sommes là pour vous.

Bienvenue à Test de résistance, une série de baladodiffusions du Globe and Mail dans laquelle nous allons nous pencher sur la façon dont la pandémie a transformé les règles des finances personnelles pour les membres de la génération Z et pour les milléniaux. Je m’appelle Rob Carrick, je suis responsable de la section des finances personnelles et chroniqueur financier au Globe and Mail.

ROMA: Et je suis Roma Luciw, rédactrice en chef des finances personnelles au Globe and Mail. Nous avons déjà vécu des récessions, des krachs boursiers, des marchés immobiliers en surchauffe et le surendettement des ménages. Mais nous n’avions jamais rien connu de tel que le coronavirus.

ROB: En effet, j’avoue que je ne m’attendais évidemment pas à une pandémie! Et pourtant, il est vite devenu évident que la COVID-19 allait provoquer le pire recul économique depuis la grande dépression. En réalité, elle est en train de transformer notre façon de tout faire, ou presque.

ROMA: D’ailleurs, cela va même jusqu’à la façon dont nous avons enregistré cette émission. Au départ, j’avais imaginé que nous enregistrerions en studio, dans un bel espace calme, un micro aussi esthétique que perfectionné devant moi. J’ai plutôt improvisé une installation dans la chambre de mon fils, la carte du monde qui est suspendue derrière moi a dix ans et un support à vêtements et une serviette permettent d’assurer une qualité sonore optimale.

ROB: Pour ma part, je me sers d’une couverture et, au lieu d’un micro de qualité, j’utilise tout simplement mon téléphone cellulaire.

ROMA: Ça a l’air super chic, Rob! Aviez-vous imaginé un jour que votre téléphone vous servirait à enregistrer une baladodiffusion?

ROB: Non, et je n’avais pas non plus imaginé que je me retrouverais un jour chez moi, assis à mon bureau, sous une couverture!

ROMA: Nous avons commencé à réfléchir de cette série de baladodiffusions avant la COVID. L’idée, à ce moment, était de faire en quelque sorte un retour aux sources pour aider les jeunes à mettre de l’ordre dans leurs finances et à les organiser à leur avantage. On ne trouve pas assez d’information de cette nature destinée à ces catégories d’âge, et nous tentons de combler cette lacune, notamment par nos articles dans le Globe and Mail. Quand le coronavirus est apparu, nous avons estimé qu’il fallait profiter de l’occasion pour revenir véritablement à l’essentiel. En effet, la COVID a été un véritable révélateur et a, dans certains cas, constitué le premier test important pour la façon dont chacun a organisé ses finances et des raisons pour lesquelles il faut agir afin d’éviter tout endettement et toute difficulté supplémentaire. Ces mesures vous permettront d’être prêts à toute autre éventualité, peut-être pas à une nouvelle COVID, mais à un autre bouleversement, quel qu’il soit. C’est donc à cela que la discussion a abouti. Je pense que nous avons tous les deux vu cela comme une véritable occasion de ramener cette conversation à l’essentiel. C’est bien cela, Rob?

ROB: Je pense que nous avons abordé certains sujets à répétition, comme les fonds d’urgence et la planification des hauts et des bas de la vie. Je ne sais pas si nous avons été écoutés. Parfois, il faut une vraie urgence pour attirer l’attention des gens. Les périodes plus difficiles offrent une bonne occasion d’aider les gens à se préparer un meilleur avenir en prenant des décisions financières plus avisées.

ROMA: Il nous a semblé à tous les deux, et même à toute l’équipe, que notre premier épisode pourrait porter sur l’économie à la demande. Ce n’est pas un sujet nouveau. L’économie à la demande prend de l’ampleur depuis un certain temps, mais à bien des égards, nous n’en avons pas encore véritablement parlé, parmi tous les sujets que nous avons couverts. Voici donc une très bonne occasion de nous adresser directement aux travailleurs de l’économie à la demande, car ils ont été parmi les premiers touchés par les pertes d’emplois massives causées par la COVID-19.

ROB: Les travailleurs de l’économie à la demande sont sans doute le groupe le plus ignoré dans le monde des finances personnelles. Même s’il s’agit d’un écosystème très différent pour les finances personnelles, il est ignoré. Comme vous le disiez, ces travailleurs sont en quelque sorte aux premières loges lorsque survient un événement grave comme la pandémie. Comme ce sont eux qui ont été les plus touchés, je crois que ce sont eux qui ont le plus besoin d’attention. S’il n’y avait pas eu la pandémie, il est inévitable que quelque chose mettrait leurs finances sous pression à un moment donné, puisque la vie est totalement imprévisible. Nous voulons nous assurer que vous serez prêts pour le prochain imprévu. Bienvenue donc à la série de baladodiffusions Test de résistance, dont le premier épisode est consacré à l’économie à la demande.

ROMA: Nous allons commencer par définir ce qu’est l’économie à la demande.

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ROMA: Rob, nous entendons beaucoup parler d’économie à la demande, d’économie des petits boulots, ou même d’économie collaborative. Pouvez-vous nous aider à mieux comprendre ce terme?

ROB: Un travailleur de l’économie à la demande occupe un emploi temporaire qui, par définition, va prendre fin. Cela peut être un contrat de six mois ou d’un an et, une fois le contrat terminé, l’entreprise n’a plus aucune obligation et le travailleur doit trouver du travail ailleurs. L’économie collaborative, c’est une belle expression qui aurait pu être inventée par un publicitaire pour tenter de dissimuler les mauvais côtés que sont le caractère temporaire et la précarité. Le travail est temporaire parce qu’il se terminera à un moment donné et qu’il n’y en aura pas forcément un autre immédiatement après. Autrement dit, il y aura une période de latence, une transition sans rémunération, jusqu’au prochain emploi.

ROMA: Il y a quelques semaines, un rapport sur l’emploi a montré qu’en deux mois, l’économie canadienne a perdu quelque trois millions d’emplois, touchant un nombre disproportionné de jeunes, de travailleurs à faible revenu et d’employés non syndiqués. Ce sont donc ces personnes qui sont vulnérables. Le véritable problème des travailleurs de l’économie à la demande, c’est qu’ils n’ont aucun filet de sécurité. Que peuvent-ils faire, précisément, pour se protéger?

ROB :

Nous devons être très clairs sur une chose que les gens ne comprennent pas toujours au sujet de l’économie à la demande : vous n’avez pas de couverture médicale, qui peut valoir plusieurs milliers de dollars par an si vous avez des enfants ou des problèmes de santé. Vous n’avez pas de retraite non plus. Vous devez épargner pour votre retraite. Et vous ne toucherez sans doute pas d’assurance-chômage en cas de perte d’emploi. C’est à vous de mettre de l’argent de côté en fonction de tous ces éléments, la couverture médicale, la retraite et la transition éventuelle entre deux emplois. Vous devez prévoir tout cela. Tout cela revient à l’un des aspects les plus fondamentaux des finances personnelles : le fonds d’urgence.

ROMA :

En fait, j’ai l'impression qu’au fil des ans, le fonds d’urgence est tombé complètement en désuétude. Tout le monde sait qu’il en faut un, mais la plupart des gens n’en ont pas. En cas de besoin, ils se servent de leur marge de crédit, ou encore de leur carte de crédit. Constituer un fonds d’urgence, c’est donc revenir à l’essentiel pour être en mesure de couvrir ses dépenses comme le loyer, l’épicerie ou les factures courantes, en cas de perte d’emploi.

ROB: Le fonds d’urgence est actuellement l’aspect le plus crucial des finances personnelles. Au cours des 12 à 24 prochains mois, vous devrez être en mesure de couvrir vos dépenses pour une certaine période. On dit qu’une période de trois à six mois est optimale. Commençons par un ou deux mois, puis essayons d’augmenter. Mais vous devez avoir un tel coussin à votre disposition, à cause de la très grande incertitude de la situation. Pendant que nous nous remettrons de la pandémie, il est possible que la reprise soit très lente, et qu’elle soit parsemée d’embûches. Le fait d’avoir un peu d’argent de côté, prêt à servir en cas d’urgence, sera l’une des véritables marques de la réussite financière. Évidemment, se bâtir un fonds d’urgence peut être difficile lorsque le travail est très précaire.

ROMA: Sans parler du fait que les travailleurs de l’économie à la demande ont du mal à trouver de l’information sur la façon de structurer leurs finances. Un rapport de Statistique Canada de 2016 estimait que l’économie à la demande représentait entre 8 et 10 % de la main d’œuvre. Je ne pense pas que ce chiffre va diminuer. Il pourrait même augmenter, n’est-ce pas, Rob?

ROB: Je pense que ce chiffre est fortement sous-évalué, en particulier pour les milléniaux. Lorsque vous demandez à un groupe de milléniaux ou de diplômés de la génération Z combien d’entre eux ont réussi à décrocher un emploi à plein temps et combien ont un emploi de type précaire, vous constatez qu’un très grand nombre d’entre eux se trouvent dans la deuxième catégorie. Ils aspirent à un emploi à plein temps, mais c’est devenu plus difficile. La plupart des entreprises leur disent qu’elles veulent les embaucher, mais seulement pour six ou pour 12 mois.

ROMA: Il y a eu un changement très net. À l’époque où j’ai décroché mon diplôme, nous savions que notre premier emploi serait peut-être temporaire, pendant un certain temps, mais qu’il finirait par se transformer en emploi permanent à temps plein. Aujourd’hui, on peut observer que l’économie à la demande s’est étendue. Et beaucoup de gens dans la vingtaine, la trentaine, la quarantaine, la cinquantaine même, y travaillent.

ROB: Il est donc plus important que jamais de bien organiser ses finances. Dès le début. Mais ne paniquons pas. Si vous travaillez dans l’économie à la demande, il y a des choses concrètes que vous pouvez faire pour vous préparer à réussir.

Dans chaque épisode de la série Test de résistance, nous écouterons des personnes qui auront la générosité de nous parler de ce qu’ils ont vécu. Nous voulions que de vraies personnes nous racontent leur histoire parce que nous avons tous été un peu pris au dépourvu lorsque notre vie a été bouleversée, sans avertissement. Nous ignorons tout de ce que sera la situation après la pandémie. Mais il ne peut être qu’agréable de rêver à ce que nous allons pouvoir recommencer à faire.

PATRICIA: ‌ Je me réjouis vraiment de pouvoir recommencer à nager.

ROMA: Voici Patricia. Elle a 24 ans et vit à Winnipeg.

PATRICIA: La baignoire, ce n’est pas la même chose!

ROMA: Un jour, Patricia aimerait être diplomate, peut-être travailler pour Affaires mondiales Canada. Elle s’y prépare depuis l’université.

PATRICIA: J’ai donc fait quatre ans d’études en droits de la personne, et trois ans en sciences politiques.

ROMA: Elle a également voyagé en Europe et a fait plusieurs stages de haut niveau.

PATRICIA: Je suis allée au Botswana, j’y ai fait un stage au sein d’un organisme non gouvernemental. J’ai aussi passé quelques mois à New York où j’ai fait un stage aux Nations Unies. Cela a été une expérience vraiment extraordinaire. Une occasion hors du commun.

ROMA: Un stage aux Nations Unies, c’est en effet une occasion exceptionnelle. Mais New York...

PATRICIA: C’est cher. Vraiment très cher! Et évidemment, pendant mon séjour, le dollar canadien n’avait jamais été aussi bas…

ROMA: Les dettes ont commencé à s’accumuler. Patricia a dû rentrer au pays pour chercher du travail. Il y a un peu plus d’un an, elle est rentrée à Winnipeg et s’est mise à la recherche d’un emploi de serveuse dans un restaurant.

PATRICIA: Je suis donc rentrée mi-mars, et je n’ai pas trouvé de travail. J’ai déposé beaucoup de CV, vous savez. J’en ai déposé chez Tim Hortons. J’avais déjà travaillé chez Tim Hortons pendant deux ans, il y a quelques années. Je n’ai trouvé de travail nulle part. Et enfin, fin avril, j’ai trouvé.

ROMA: Elle est devenue serveuse dans un restaurant de steak haut de gamme.

PATRICIA: J’ai travaillé tout l’été, et j’ai repris mes études en automne. J’avais gagné environ 9 000 dollars.

ROMA: Ce n’est pas mal, 9 000 $, pour un été avant de retourner à l’université, à l’automne, jusqu’en décembre. Ensuite, Patricia est retournée au restaurant pour gagner de l’argent et rembourser ses dettes.Nous savons tous ce qui est arrivé dans le secteur de la restauration en mars.

REPORTAGE [CTV WINNIPEG]: En raison de la pandémie de COVID-19, de plus en plus d’entreprises de Winnipeg ferment leurs portes. Les mesures de distanciation physique compliquent la tâche aux travailleurs de la restauration. Les Manitobains poursuivent leurs efforts pour aplatir la courbe de COVID-19. Cela signifie qu’ils ne vont pas au restaurant. Ils restent chez eux.

PATRICIA: J’ai perdu mon emploi à cause de la COVID-19. Je suis allée travailler le lundi et, le soir même, j’ai reçu un appel téléphonique : « On ferme à partir d’aujourd’hui, tu ne viens pas travailler demain. » Je n’avais jamais rien vécu de tel. Aucune idée de ce qui allait se passer. Les questions se bousculaient dans ma tête : Ai-je assez d’économies? Ou plutôt, ai-je des économies? Je ne sais pas ce qui va se passer. Quand pourrai-je retourner au travail? Est-ce que je pourrai faire mes paiements? Est-ce que je pourrai encore payer mon téléphone cellulaire? Et bien d’autres questions encore… Je n’avais pas de filet de sécurité. Après nos études, nous faisons de notre mieux, mais d’une certaine manière, j’ai l’impression que nous nous préparons aussi à l’échec.Le discours est le suivant : « Bravo, super. Merci beaucoup d’avoir fait des études. Et maintenant voici un peu d’expérience professionnelle. En revanche, vous ne pouvez pas être payé pour cette expérience. » Il est parfois décourageant de savoir que vous vous y consacrez corps et âme et que, à la fin de la journée, c’est comme s’il ne s’était rien passé. « Parfait, merci beaucoup. » Voilà. On s’inscrit à un cours ou à un programme, en sachant que rien ne sera garanti par la suite.

Alors, est-ce de ma faute? Ou faut-il changer le système? Devons-nous continuer à permettre que cela se passe ainsi pour les jeunes?

ROMA: C’est une bonne question. Et c’est exactement ce dont nous parlons aujourd’hui. Cette question de l’économie à la demande. Comment en sommes-nous arrivés à ce « système », comme l’appelle Patricia? Nous allons l’expliquer dans une minute. Mais qu’en est-il de Patricia? Que veut-elle trouver dans son emploi idéal?

PATRICIA: La première chose qui me vient à l’esprit, c’est le mentorat. Une forme de mentorat ou de partenariat est absolument essentielle.

ROMA: Et la stabilité de l’emploi ? Ou un régime de retraite?

PATRICIA: J’ai l’impression d’être totalement habituée à ne pas en avoir. Mais cela ne veut pas dire que je n’aimerais pas en avoir un, dans un monde idéal. Mais je n’ai pas beaucoup d’espoir. Je ne suis vraiment pas spécialiste, parce que je n’en ai jamais eu… Mais parfois, on a l'impression de marcher sur des œufs, parce qu’on sait qu’on est facilement remplaçable. C’est comme vivre en permanence sur un siège éjectable.

ROB : Nous avons enregistré l’entrevue avec Patricia en avril. Durant ce mois, deux millions de Canadiens ont déclaré avoir perdu leur revenu. En deux mois seulement, le nombre total officiel d’emplois perdus en raison de la COVID-19 a atteint trois millions. Un véritable désastre. Nous savons ce qui s’est passé depuis l’arrivée de la COVID, mais voyons les choses selon une perspective plus large. Comment nous sommes-nous retrouvés avec cette économie à la demande ? Nous allons le voir.

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ROB: Nous avons commencé à parler du concept d’économie à la demande il y a une dizaine d’années, après la dernière récession. Imaginons que vous êtes diplômé d’un collège ou d’une université et que vous ne trouvez que des emplois temporaires, pour quelques mois, pour un an. Vous savez qu’il existe encore des emplois à temps plein avec avantages sociaux et régime de retraite. Mais cette stabilité vous semble hors de portée.

Que l’on adopte ou non le terme d’économie à la demande, il s’agit de toute manière d’emplois précaires ou temporaires. Les générations précédentes ont eu la chance d’avoir un emploi à plein temps qui leur a permis de bâtir leur carrière. Aujourd’hui, les jeunes adultes ne peuvent qu’enchaîner les emplois de six mois, l’un après l’autre.

ROMA: Nous avons bien constaté cette précarité lorsque la pandémie a fait sombrer l’économie. Les travailleurs précaires étaient plus vulnérables car ils n’avaient pas forcément droit aux prestations gouvernementales. Comment savoir quand ils pourraient décrocher leur prochain emploi? Comment payer leur loyer, leurs économies allaient-elles suffire, allaient-ils être écrasés par les dettes? Nous avons appris, au sujet de l’économie à la demande, est qu’il faut adapter ses finances personnelles à cette précarité pour pouvoir survivre. Il faut se préparer aux périodes difficiles.

ROB: Tout à l’heure, nous avons écouté Patricia, à Winnipeg. Nous nous tournons maintenant vers Kathryn Mandelcorn, à Vancouver. Elle est planificatrice financière chez Spring Financial Planning et aide ses clients à mieux gérer leur argent.

Pouvez-vous commencer par m’expliquer ce que signifie le terme d’économie à la demande?

KATHRYN: Pour moi, l’économie à la demande, c’est un monde de travailleurs indépendants. C’est le fait de travailler pour différents employeurs, à contrat. Ce n’est pas obligatoirement un travail à plein temps. Cela peut-être un travail à temps partiel, et il peut y avoir plusieurs contrats. Par exemple, les photographes qui travaillent dans le domaine de l’événementiel. Certains travaillent dans la restauration, pour compléter d’autres emplois. Des designers, des graphistes sont travailleurs indépendants. Il y a vraiment de tout.

ROB: Constatez-vous qu’ils travaillent 52 semaines par an? Ou doivent-ils faire des pauses entre leurs contrats?

KATHRYN: Je vois bien sûr qu’il y a des interruptions, et je crois que c’est naturel de vouloir travailler dans ce type de domaine pour avoir dans une certaine mesure la liberté de faire ce qu’ils aiment et de prendre des congés.

ROB: C’est donc le côté positif des pauses entre les contrats. Mais avez-vous observé que certains d’entre eux ne trouvent pas toujours de travail, cherchent plus, veulent plus? Et que leurs interruptions entre les contrats sont en fait involontaires?

KATHRYN: Évidemment. Et je pense que chacune des personnes à qui j’ai parlé au fil des ans m’a déjà dit : « Mon activité est différente car elle est très imprévisible. C’est toujours la même chose. Quand on est travailleur indépendant, on travaille pour soi. On ne sait jamais vraiment d’où viendra le prochain contrat, à moins d’avoir un contrat à long terme. »‌

ROB:‌‌ Quels sont les aspects que les travailleurs de l’économie à la demande n’ont pas, contrairement à ceux qui ont un emploi à plein temps? Quels sont les avantages et les bénéfices qui les rendent plus à l’aise sur le plan financier?

KATHRYN: Eh bien, très souvent, ils n’ont pas d’avantages sociaux. Ils n’ont pas de retraite, ils n’ont pas de programme de cotisation REER de l’employeur. Cela ne veut pas dire que tous les employeurs offrent tous ces avantages à leurs employés, mais ces avantages sont en tout cas totalement inexistants dans l’économie à la demande.

ROB: Parlez-moi un peu des conséquences de l’absence d’avantages sociaux.

KATHRYN:Les gens n’ont pas tendance à mettre de l’argent de côté pour ce genre de dépenses. Ils se disent qu’ils ne seront pas malades, qu’ils ne se blesseront pas, et qu’ils ne veulent pas penser au dentiste. Et lorsque de telles dépenses surviennent, elles provoquent beaucoup d’inquiétude et de stress, car il faut souvent les payer d’un coup. Et il faut les payer avec les revenus des contrats, ou à partir du compte personnel. La première étape, pour ces travailleurs, est donc de traiter les revenus séparément. Il n’est pas obligatoire d’avoir un compte d’entreprise ni d’être constitué en société. Mais il faut considérer le travail comme une entité distincte.

ROB: Parlons donc de ce que vous faites pour aider vos clients à traverser ces périodes où ils n’ont pas de travail. Vous parlez à un travailleur précaire, ou vous établissez un plan financier pour lui, et vous voulez l’aider à mieux vivre ses interruptions entre ses contrats à plein temps. Comment procédez-vous? Comment tenir compte de tout cela dans son plan?

KATHRYN: Avant même de déterminer le revenu que vous devez gagner, nous devons voir ce qu’il vous en coûte pour vivre. Le point de départ, donc, c’est au moins de savoir combien vous devez gagner. Quelles sont vos dépenses, vos factures périodiques, vos factures variables, chaque mois, et chaque année? Quelles sont les dépenses que l’on oublie souvent de mentionner quand on réfléchit à son budget ou à ses dépenses? À partir de là, nous regardons les revenus d’entreprise, c’est-à-dire les revenus des contrats, et nous concluons : « Combien prévoyez-vous gagner, en étant vraiment prudent? » Nous regardons aussi les autres dépenses. Il n’y a peut-être pas beaucoup de frais généraux, mais il peut y avoir certains coûts qui, même s’ils peuvent sembler minimes, n’en sont pas moins des coûts. Et il y a les impôts. Les impôts sont importants. Je m’assure donc que mes clients mettent d’abord de l’argent de côté pour les impôts, avant même de se verser un revenu mensuel régulier.

ROB: C’est intéressant. Pour vous, l’impôt est la première obligation à laquelle il faut se préparer. À cause de la pandémie, je pense aux situations d’urgence dans lesquelles il n’y a pas de travail. Par exemple, une catastrophe économique, une récession, un problème dans un secteur en particulier. Aucun emploi n’est disponible. C’est ce que j’appelle le fonds d’urgence. Comment l’appelez-vous chez vous?

KATHRYN: Je l’appelle fonds d’urgence moi aussi, mais il est difficile de commencer par remplir le fonds d’urgence car, bien souvent, il ne reste pas d’argent. Bien sûr, cela devrait être la priorité, mais lorsque je structure un plan de liquidité, je considère une grande partie des dépenses que mes clients n’ont peut-être pas et qui seraient considérées comme une urgence. Par exemple, si vous avez une voiture, les réparations ne devraient pas être considérées comme une urgence. Il y a évidemment des situations d’urgence dans lesquelles vous n’avez pas de revenus, mais j’en tiens compte dans mon plan. Lorsque j’examine avec mon client les prévisions de ce qu’il va gagner pour l’année, nous le faisons avec beaucoup de prudence. Je veux donc qu’il se verse personnellement un revenu mensuel fixe, en tenant compte de toute interruption ou de toute baisse de revenu éventuelle. Bien évidemment, il était impossible de prévoir une pandémie d’envergure mondiale, ou un autre événement d’une telle ampleur. Il est important de disposer d’une épargne d’urgence, même si cela est souvent considéré accessoire.

ROB: Aidez-moi à comprendre comment tout cela fonctionne. Vous voulez que votre client soit en mesure de payer ses dépenses courantes et, évidemment, qu’il évite de s’endetter et mette un peu d’argent de côté pour les urgences. Comment amasser un peu d’argent ici et là pour payer ses dépenses au jour le jour, mais aussi constituer un fonds d’urgence pour les imprévus?

KATHRYN: C’est vraiment une question de choix. L’argent est un outil et c’est à chacun de choisir comment l’utiliser. Et c’est quelque chose qui s’apprend. Il ne faut pas se contenter de gérer et de réagir au jour le jour. Il faut se dire : « je vais m’en occuper, je vais faire mon budget pour le mois et je le referai le mois prochain. » Il est important de comparer d’une année à l’autre pour pouvoir vraiment faire des choix.

Un filet de sécurité de six mois, c’est vraiment idéal. Je constate que les gens en sont souvent très loin. La perspective de mettre de côté un filet de sécurité de six mois peut aussi faire peur. Mais lorsque vous commencez à voir comment vous pouvez réussir à le faire et quelles mesures vous pouvez mettre en place établissant un plan, cela devient beaucoup moins effrayant.

ROB: Et il faut être capable de faire face à toutes ses dépenses quotidiennes, de vivre sa vie, de faire des choses amusantes et d’économiser suffisamment pour pouvoir tenir trois à six mois. Quel est donc le montant que vous considéré comme le minimum pour les gens?

KATHRYN: Si je reviens au scénario du travailleur indépendant qui se verse un revenu mensuel fixe, il est préférable selon moi qu’il accumule un capital et un capital d’exploitation. Il n’a pas à être constitué en société pour avoir un tel capital d’exploitation. Cela revient à avoir un fonds de caisse dans son compte d’entreprise. Il peut commencer par avoir un mois, c’est déjà bien. Puis, il peut en ajouter deux pour arriver à trois. Trois mois, c’est l’idéal. Il aura donc trois mois pour se retourner et trouver de nouvelles idées. Il faut du temps pour bâtir cela. Cela peut prendre un an ou deux pour commencer à s’en approcher.

ROB: J’aimerais vous poser une question de logistique. Ce fonds de caisse, ce fonds d’urgence, quel que soit le nom qu’on lui donne, où faut-il le conserver pour le préserver et éviter de l’utiliser au quotidien? Et pour qu’il soit disponible, pour les urgences auxquelles vous pourriez avoir à faire face?

KATHRYN: C’est une excellente question. En effet, lorsque j’élabore mes plans de liquidité, j’utilise un système de comptes, avec des comptes d’épargne en ligne gratuits. Au Canada, presque toutes les banques proposent des comptes d’épargne en ligne gratuits dans lesquels vous pouvez virer des fonds sans frais. Dans presque toutes les banques, vous pouvez aussi leur donner un nom. Ainsi, en mettant ces fonds dans un compte distinct et en donnant un nom à ce compte, vous voyez bien que vous avez de l’argent de côté. Vous pouvez ainsi donner un but à chaque dollar.

Mais il faut du temps. Vous devez relâcher la pression et vous dire : « Voilà ce qui est important pour moi et quelles sont mes valeurs. » Il peut sembler très stressant sur le moment de devoir imaginer sa vie, mais il ne faut pas tomber dans le piège de passer son temps à courir après l’argent, pour en gagner toujours plus pour payer les dépenses.

Je me répète sans doute, mais ce que nous voulons, c’est que vous puissiez vous servir de votre argent comme d’un outil pour pouvoir faire ce que vous voulez faire et payer les dépenses que vous devez payer. C’est vraiment un changement de mentalité. Il est possible de le faire, même dans les situations les plus stressantes. Mais vous aurez peut-être besoin d’aide pour le faire.

ROB: Merci, Kathryn. Nous avons beaucoup appris en parlant avec vous de l’économie à la demande et du travail précaire et temporaire. Voici les trois choses qu’il faut avoir retenir à ce sujet. Premièrement, vous devez vous attendre à ne pas pouvoir travailler, à l’occasion. Il est peu probable que tous vos contrats s’enchaînent sans interruption. Vous vivrez très probablement des périodes de chômage. Deuxièmement, les situations d’urgence sont inévitables. La pandémie en est un bon exemple. C’est pourquoi vous avez besoin d’un fonds d’urgence. Troisièmement, gardez votre fonds d’urgence dans un compte d’épargne à taux d’intérêt élevé et ayez suffisamment d’argent pour tenir au moins trois mois, de préférence six.

ROMA: Ce que nous avons appris sur l’économie à la demande, c’est qu’il faut adapter ses finances personnelles pour survivre. Il faut se préparer aux périodes difficiles.

ROB: Voilà, c’était notre premier épisode. Ce que j’espère, c’est que les jeunes travailleurs de l’économie à la demande, lorsqu’ils seront entre deux contrats, pourront se dire qu’ils n’ont qu’à piger dans leur fonds d’urgence, sans que cela leur pose de problème.

ROMA: L’argent est une énorme source de stress. Mais il y a des choses que vous pouvez faire pour éviter ce stress. J’espère donc qu’ils pourront prendre les mesures dont nous avons parlé, et se faciliter la vie.

ROB: Vous savez, nous avons réalisé que certaines des personnes qui ont contribué à cette baladodiffusion sont eux-mêmes des travailleurs de l’économie à la demande. Par exemple, Hannah Sung, notre productrice. Hannah, comment est-ce, d’être travailleur précaire de nos jours?

HANNAH: Ce n’est pas par choix que j’ai fait mon entrée dans l’économie à la demande. J’aurais préféré un poste de salariée. En ce moment, je me sens bien. Je me trouve très chanceuse. Mais c’est sûr que le stress a été énorme quand j’étais plus jeune. Je n’ai eu mon premier emploi à plein temps qu’à 35 ans. Je le regrette, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé.

ROB: Vous savez, je trouve que les travailleurs de l’économie à la demande sont parmi les personnes les plus débrouillardes pour les finances personnelles. Ils sont très souvent agiles et parviennent à s’en sortir. Nous arrivons à la fin du premier épisode de notre série Test de résistance et j’aimerais remercier tous les membres de notre équipe. Cette émission a été produite par Hannah Sung. TK Matunda s’est chargé du montage et du mixage et notre productrice exécutive est Kiran Rana.

ROMA: Merci à CTV News à Winnipeg pour le reportage. Si vous avez aimé ce que vous avez entendu, parlez-en à tout le monde. Laissez-nous une évaluation et un commentaire sur Apple Podcasts. Si vous connaissez quelqu’un qui a besoin d’un conseil de ce type, envoyez-lui l’émission. Dites-lui de s’inscrire à Stress Test (en anglais) sur Apple Podcasts, Google Play, Spotify ou son application de baladodiffusion préférée.

ROB: Vous pouvez nous retrouver sur le site globeandmail.com, où j’écris un bulletin d’information, ainsi que plusieurs rubriques par semaine.

ROMA: Pour ma part, je contribue, en coulisse, à façonner notre couverture de tout ce qui touche à la finance. Merci à tous de nous avoir accordé votre attention.

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